« La République est un consensus mou »

Entretien inédit de Philippe Marlière à découvrir sur le site de Ballast
3 juin 2015

Politologue, essayiste (il est notamment le coauteur, avec Liem Hoang-Ngoc, de La gauche ne doit pas mourir ! et l’auteur de La Social-démocratie domestiquée) et professeur de sciences politiques à l’University College de Londres, Philippe Marlière est également membre du mouvement Ensemble. Alors que la France entière s’indigne de l’accaparement de la République par Sarkozy, Marlière marche à contre-sens : et alors ? La République n’a que très rarement été socialiste, dans son histoire. Et comme si ce seul tabou français ne suffisait pas, Marlière poursuit : la laïcité, telle que la classe médiatique et politique la défend aujourd’hui, n’a plus rien à voir avec la loi de 1905 — ses partisans, après avoir tourné le dos à la lutte sociale, l’auraient transformée en instrument de combat contre une partie de la population française. Entretien.

 

Commençons par une notion que vous affectionnez, empruntée à Cécile Laborde : « la laïcité de non-domination ». À quoi renvoie-t-elle ?

La notion de non-domination a en réalité été théorisée par Philip Pettit, un philosophe politique irlandais qui enseigne à l’université de Princeton, aux États-Unis¹. Cécile Laborde² et d’autres chercheurs l’ont popularisée dans les débats en langue française³. La non-domination implique que l’État ne peut imposer aux individus une conception positive de ce que devrait être leur autonomie morale. Pour le dire de façon moins philosophique : l’État, au nom de l’idée qu’il se fait du Bien ou de la Liberté, ne peut pas contraindre les individus à se comporter ou vivre d’une manière particulière. Car, dans ce cas, il n’est plus neutre, mais partisan ; il devient un acteur qui tente d’imposer ou de réglementer les vies privées des individus en fonction de ses propres critères de la « vie bonne ». L’idée selon laquelle l’État doit émanciper les citoyens, parfois contre leur propre volonté, est une manière de penser et d’agir inhérente à la culture républicaine française. Cette tendance n’est pas nouvelle, mais elle s’est encore renforcée récemment, dans le contexte réel ou fantasmé des crises identitaires que traverserait le pays (je pense ici aux débats incessants sur la laïcité, sur la République ou sur l’identité française). Nicolas Sarkozy avait lancé un débat sur « l’identité nationale » peu après son élection, et Manuel Valls discourt à son tour sur ce thème.

 

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